Défaut de conseil du notaire : Quels recours et conséquences ?

Défaut de conseil du notaire :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 111 fois Mise à jour le : 08/04/2024 Publié le : 08/04/2024


Le devoir de conseil du notaire assure à ses clients une efficacité dans la prestation réalisée. Si l’officier public est connu en particulier, car il authentifie les actes qu’il rédige en matière de succession ou d'achat immobilier, il est également tenu à une obligation de conseil auprès de ses clients.

Quelles conséquences en cas de manquement au devoir de conseil? Quelles obligations ? Comment engager la responsabilité du notaire ? Est-il possible d’obtenir des dommages et intérêts ? L’article répond à toutes ces questions.

Qu’est-ce que l’obligation de conseil du notaire ?

En tant que conseil des personnes physiques ou morales qui font appel à ses services, le notaire a l’obligation d’éclairer les parties sur la portée de leurs engagements (art. 2 du décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023 relatif au code de déontologie des notaires). Ce devoir se distingue de l'obligation d'information qui lui incombe.

Outre l’obligation de conseil, le notaire a plusieurs devoirs à l’égard de ses clients (art. 3 à 20 du décret du 28 décembre 2023).

Obligation de conseil : définition

Cette obligation de conseil ne relève d’aucun texte a été progressivement définie par la jurisprudence de la Cour de cassation (v. par exemple, Cass. civ., 3 août 1858 ; Cass. civ. 1, 25 novembre 1997, n° 95-22.240 ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 16-10.415).

D'après le juge, dans le cadre de son devoir de conseil, le notaire est tenu d’éclairer les parties et d’attirer leur attention sur la portée et les conséquences de leur engagement (Cass. civ. 1, 31 janvier 2018, n° 17-13.303). Désormais l’article 2 du décret du 28 décembre 2023 relatif au code de déontologie des notaires précise que l’officier public est le « conseil des parties ». 

Dans le cadre de sa mission d’authentification des actes*, le notaire est donc tenu de conseiller ses clients afin qu’ils aient conscience de la portée de leurs engagements et puissent recourir aux moyens juridiques les plus appropriés à leur finalité.

*L'acte authentique est celui instrumenté par un officier public, comme un notaire, qui jouit d'une grande force probante. Son contenu ne peut être remis en cause qu'en poursuivant une procédure rigoureuse d'inscription de faux (art. 1369 et 1371 du Code civil).

💡Ce devoir de conseil profite à toutes les parties à l’acte (Cass. civ. 1, 15 mai 2007, n° 06-15.318).

À ce titre, un notaire rédigeant un acte de vente immobilière doit obtenir un certificat d’urbanisme afin de pouvoir conseiller son client, par exemple sur la nécessité d’insérer certaines clauses au contrat. À défaut il risque d’engager sa responsabilité (Cass. civ. 1, 21 février 1956).

Le notaire est donc tenu d’assurer les investigations et vérifications nécessaires pour remplir son devoir de conseil (v. par exemple, Cass. civ. 1, 3 février 1998, n° 96-13.201 ; Cass. civ. 1, 11 janvier 2017, n° 15-22.776).

Quels sont les devoirs du notaire envers ses clients ?

Outre le devoir de conseil, le notaire a plusieurs devoirs envers ses clients. Parmi les principaux, l’officier public est tenu : 

  • D’authentifier les actes selon les formes requises pour en assurer l’efficacité (v. art. 6 à 20-1 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971) ;
  • De conserver les actes (v. art. 26 à 28 du décret du 26 novembre).

D’autres obligations lui incombent, par exemple (art. 5 à 20 du décret du 28 décembre 2023) : 

  • Expliquer la loi et en assurer l’exécution ;
  • Assurer la sécurité de la vie contractuelle en conseillant son client par exemple ;
  • Accepter toute personne qui requiert son conseil ou son concours* ;
  • Respecter le secret professionnel ;
  • Veiller au respect des obligations en matière de lutte contre le blanchiment d’argent et de protection des données à caractère personnel.

*Sauf, par exemple, si les opérations sont contraires à la loi ou encore si les personnes ne disposent pas de leur libre arbitre (art. 5 du décret du 28 décembre 2023)

Quelle différence entre devoir d’information et obligation de conseil ? 

La différence entre le devoir d’information et l’obligation de conseil est ténue. L’article 22 du décret du 28 décembre 2023 distingue en ces termes « le notaire doit en toutes circonstances à sa clientèle (…) le conseil adapté à sa situation et l’information la plus complète » .

Alors qu’en matière d’obligation d’information, le notaire est tenu de transmettre les données déterminantes pour ses clients  ; en matière de devoir de conseil, il doit leur faire connaître l’étendue des obligations auxquelles ils se soumettent avec clarté (art. 2 du décret n° 2023-1297 du 28 décembre 2023). Il leur laisse ainsi le choix d’adapter le contenu de leurs actes pour tirer parti de la situation. Autrement dit, l’obligation d’information semble découler du devoir de conseil ; mais existe même en dehors (art. 1112-1 du Code civil).

⚠️ Le notaire ne prend pas parti et se limite à rédiger la volonté des parties de manière impartiale (art. 2 du décret du 28 décembre 2023).

Quelle conséquence en cas de manquement par un notaire à son obligation de conseil ?

En cas de manquement du notaire à son devoir de conseil, la conséquence est l'engagement de sa responsabilité sauf s’il démontre qu’il a exécuté son obligation de conseil.

Quelle sanction en cas de défaut de conseil ? 

En cas de défaut de conseil, la sanction du notaire est l’engagement de sa responsabilité civile professionnelle*.

💡*La responsabilité du notaire, lorsqu’il méconnaît l’une de ses obligations inhérentes à sa qualité de rédacteur, est de nature extracontractuelle et plus précisément délictuelle (Cass. civ. 1, 6 juin 2018, n° 17-13.975).

Il n’est jamais déchargé de cette obligation, même si les parties à l’acte avaient une qualité spécifique qui les rendait averties (v. par exemple, Cass. civ. 1, 16 novembre 2016, n° 15-22.340 ; Cass. civ. 1, 25 janvier 2017, n° 15-28.159).

⚠️ La faute des parties à l’acte ne permet pas au notaire de s’exonérer de sa responsabilité (Cass. civ. 1, 11 janvier 2017, n° 15-22.776).

Qui doit prouver le respect de l’obligation de conseil ?

C’est au notaire de prouver qu’il a exécuté son obligation de conseil (v. par exemple, Cass. civ. 1, 2 octobre 2007, n° 06-17.281 ; Cass. civ. 1, 16 novembre 2016, n° 15-22.340).

 


Vos questions | nos réponses

Que faire en cas de litige avec un notaire ?

Il est possible de saisir le Conseil Régional des Notaires et la Chambre des Notaires. D'autre part, un avocat en droit immobilier peut agir à l'amiable comme au judiciaire à l'encontre d'un notaire ayant failli à ses obligations, et notamment son devoir de conseil.

Est-ce qu’un notaire a un devoir de conseil ?

Le notaire a un devoir de conseil à l’égard de ses clients progressivement précisé par la jurisprudence.

Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.