Responsabilité des dégradations locatives : Que dit la loi ?

Responsabilité des dégradations locatives :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 11 fois Mise à jour le : 08/05/2025 Publié le : 08/05/2025


En matière de location, les dégradations du logement constituent une source fréquente de litiges entre propriétaires et locataires. Si certaines détériorations relèvent d’une usure normale, d’autres engagent la responsabilité du locataire. Comment faire la distinction ? Que dit la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs, n° 89-562 sur ce point ? Quels sont les recours du propriétaire lorsque le logement est rendu insalubre ou indécent ? 

Quelles sont les dégradations locatives ?

Les dégradations locatives désignent les détériorations matérielles affectant le bien loué au cours du bail, et dont la cause est imputable au locataire.

Il peut s’agir :

  • de trous dans les murs, de peinture arrachée ;
  • de sols ou parquets endommagés ;
  • de mobilier cassé dans un logement meublé ;
  • de moisissures dues à un défaut d’aération, etc.

⚠️  Elles ne doivent pas être confondues avec :

  • la vétusté, c’est-à-dire l’usure normale liée à l’écoulement du temps ;
  • la force majeure* (ex : dégât des eaux imputable à un voisin, par exemple) ;

*En cas de force majeure, il n’est pas possible de poursuivre le locataire en réparation (art. 1218 du Code civil), car il pourra s’exonérer de sa responsabilité.

  • les malfaçons ou vices de construction, qui relèvent de la responsabilité du bailleur ;
  • les grosses réparations* qui incombent également au propriétaire des lieux.

*L’article 606 du Code civil dispose que les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières ainsi que les digues, les murs de soutènement et de clôture. Seules ces réparations énumérées sont des grosses réparations, les autres sont d’entretien (Cass. civ. 3, 27 novembre 2002, n° 01-12.816).

Pour trancher, les juges s’appuient sur les états des lieux d’entrée et de sortie, la grille de vétusté éventuellement annexée au contrat et les expertises éventuelles.

💡Si aucun état des lieux n’a été fait, le locataire est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives (art. 1731 du Code civil).

Qui doit réparer : le locataire ou le propriétaire ?

Le locataire est soumis à l’obligation de prendre à sa charge les petites réparations et l’entretien courant du logement, mais certaines exceptions ne relèvent pas des réparations qui lui incombent et restent imposées au bailleur.

Les obligations du locataire selon la loi de 1989

L’article 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 impose au locataire des obligations en matière de travaux :

  • prendre à sa charge l’entretien courant du logement ;
  • effectuer les petites réparations listées par le décret du 26 août 1987 ;
  • répondre des dégradations causées par lui-même, les occupants du logement ou ses invités.

Le locataire doit restituer le logement dans l’état dans lequel il l’a reçu, déduction faite de la vétusté normale.

➡️ Par exemple, si un robinet fuit à cause d’un mauvais usage, la réparation est à la charge du locataire. Si la fuite est due à un joint usé par le temps, elle incombe au propriétaire.

L’article 1732 du Code civil prévoit expressément que le locataire est présumé responsable des pertes et dégradations survenues durant la location*, sauf à prouver le contraire. 

Le locataire qui restitue les locaux dans un état non conforme à ses obligations découlant de la loi ou du contrat commet un manquement contractuel et doit réparer le préjudice subi par le propriétaire qui peut comprendre le coût de la remise en état des locaux (Cass. civ. 3, 27 juin 2024, nos 22-24.502, 22-21.272 et 22-10.298).  

💡Seul le propriétaire peut s’en prévaloir, pas un syndicat de copropriété (Cass. civ., 3, 5 juin 1991, n° 90-11.391).

*Le logement est présumé avoir été donné en bon état de réparations locatives en l’absence d’état des lieux (art. 1731 du Code civil). Mais, cette présomption se limite aux réparations locatives. Dès lors, en ce qui concerne les grosses réparations incombant au bailleur, le locataire ne peut pas être tenu responsable (Cass. civ., 28 janvier 1936).

💡La responsabilité découlant de l’article 1732 du Code civil ne se limite pas aux dégâts causés dans les lieux loués et peut s’étendre à des dégradations causées à tout l’immeuble à la suite d’une explosion survenue dans l’un des appartements (Cass. civ. 3, 6 décembre 1972, n° 71-14.294).

Exceptions à la responsabilité du locataire

La responsabilité du locataire ne sera pas engagée dans les cas suivants :

  • Vétusté normale (par exemple, une peinture défraîchie après plusieurs années de location [Cass. civ. 3, 5 novembre 2015, n° 14-23.875])* ;

*Le bailleur a l’obligation d’entretenir le logement afin qu’il soit en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée (art. 1719 du Code civil).

  • Vice de construction (par exemple, un carrelage qui se décolle à cause d’un défaut initial) ;
  • Cas de force majeure (par exemple, une tempête causant la chute d’un volet).

En cas de litige, c’est au bailleur d’apporter la preuve que les dégradations ne relèvent pas de ces causes exonératoires.

Dégradations locatives : quels recours pour le bailleur ?

En cas de dégradations locatives, le bailleur dispose de la possibilité de déduire le coût des réparations du dépôt de garantie, ou encore d’engager une procédure judiciaire contre le locataire, voire de faire expulser le locataire.

Déduire le coût des réparations du dépôt de garantie

Le dépôt de garantie (souvent un mois de loyer hors charges, le montant doit être stipulé au bail [art. 3 de la loi du 6 juillet 1989]) peut être partiellement ou totalement retenu par le propriétaire si des dégradations sont constatées lors de l’état des lieux de sortie.

Conditions :

  • Les dommages doivent être décrits précisément dans le constat de sortie, comparé à celui d’entrée ;
  • Le bailleur doit justifier le montant retenu (devis, factures).

💡 Le solde du dépôt de garantie doit être restitué dans un délai d’1 mois, ou 2 mois en cas de contestation.

Engager une procédure judiciaire pour obtenir une indemnisation

En cas de dégradations importantes causées par le locataire (appartement saccagé, logement rendu insalubre), le propriétaire peut engager une procédure judiciaire.

Il convient d’abord de mettre en demeure le locataire de réparer les désordres.


ENVOYER UNE MISE EN CAUSE

Si cela n’aboutit pas, le propriétaire peut saisir le juge des contentieux et de la protection (art. L. 213- 4- 4 du Code de l’organisation judiciaire) pour obtenir des dommages et intérêts.

Est-il possible d’expulser un locataire pour dégradations du logement ?

Si les dégradations constituent une faute grave, le bailleur peut demander au juge la résiliation du bail et l’expulsion du locataire pour troubles causés par le locataire (art. 1729 du Code civil).

Deux voies sont possibles :

  • 1. Clause résolutoire (souvent présente dans les contrats) > le bail est automatiquement résilié si le locataire ne respecte pas ses obligations (entretien, usage paisible, réparations) ;
  • 2. Résiliation judiciaire sans clause résolutoire > le juge apprécie souverainement la gravité de la faute (Cass. civ. 3, 12 avril 1972).

La procédure est encadrée par des délais, notamment en matière d’expulsion. Elle nécessite souvent une mise en demeure préalable et peut aboutir à une procédure d’expulsion forcée.


Vos questions | nos réponses

Que sont les réparations majeures ?

Ce sont les grosses réparations à la charge du bailleur, visées à l’article 606 du Code civil : toiture, murs, porteurs, gros œuvre, canalisations collectives, etc.

Qui est responsable d’un lavabo fissuré ?

Si la fissure résulte d’un choc ou d’un usage anormal, c’est le locataire qui est responsable. En revanche, ce sera de la responsabilité de propriétaire, si elle est due à un défaut d’origine ou à l’usure.

Est-ce que le propriétaire doit payer la peinture ?

Si la peinture est seulement défraîchie par le temps (vétusté), le propriétaire doit payer. En revanche, si elle a été dégradée par le locataire (graffitis, taches, arrachements), il n’a pas à la prendre en charge.

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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.