La charge de la preuve : Qui doit prouver selon l’article 1353 du Code civil ?

La charge de la preuve :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 3707 fois Mise à jour le : 05/07/2024 Publié le : 05/07/2024


En matière de preuve, la charge incombe au demandeur, en principe, en droit civil. En droit pénal, elle incombe à la partie poursuivante. Néanmoins, dans un cas, comme dans l’autre, il y a des nuances. L’article propose un point au sujet de la charge de la preuve.

L’ESSENTIEL

 Ce que dit la loi : la loi incombe au demandeur en matière civile, mais à charge pour celui qui se prétend libéré de rapporter la preuve contraire (art. 1353, 1354 et 1356 du Code civil). En matière pénale, la charge de la preuve relève en principe de la partie poursuivante eu égard à la présomption d’innocence (v. art. Cons. const. décision n° 80/127 DC du 20 janvier 1981, dite « sécurité et liberté »).

 Délai pour agir : Pour agir en matière civile, le délai de prescription est, en principe, fixé à 5 ans (art. 2224 du Code civil). En matière pénale, il dépend de chaque type d’infraction et est posé aux articles 7 à 9 du Code de procédure civile.

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Qu’est-ce que la « charge de la preuve » ?

La charge de la preuve fait référence à la personne tenue de rapporter la preuve d’un fait allégué lors d’un litige, par exemple. Le principe en matière de charge de la preuve varie en fonction de la matière (droit pénal ou droit civil).

La charge de la preuve : définition

La charge de la preuve se définit comme les règles applicables afin de déterminer « qui » doit prouver.

Quel est le principe en matière de charge de la preuve ?

En matière civile, la charge incombe au demandeur, en principe (art. 1353 al. 1 du Code civil)

En matière pénale, la charge de la preuve incombe à la partie poursuivante (ministère public, partie civile). 

Sur qui pèse la charge de la preuve ?

La charge de la preuve pèse sur la partie poursuivante en matière pénale, en principe ; et elle incombe au demandeur en matière civile.

Qui a la charge de la preuve en droit pénal ?

En droit pénal, c’est la partie poursuivante qui doit prouver

Cela s’explique, car il existe le principe de présomption d’innocence selon lequel toute personne est présumée innocente tant qu’il n’a pas été démontré qu’elle est coupable (v. art. 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; art. 6 § 2 de la Conv. ESDHLF ; art. préliminaire du Code de procédure pénale ; Cons. const. décision n° 80/127 DC du 20 janvier 1981, dite « sécurité et liberté »).

⚠️ Il existe des présomptions de culpabilité, ce qui permet de renverser la charge de la preuve. Cette fois, c’est la personne poursuivie qui devra prouver son innocence.

➡️ Par exemple, la loi prévoit certaines présomptions comme la présomption de proxénétisme (art. 225-6 du Code pénal) ou encore la présomption de recel (art. 321-6 du Code pénal). Dans ces deux cas, la caractérisation de l’élément matériel de l’infraction est présumée.

➡️ De même, autre exemple, l’élément moral* de l’infraction est présumé en matière de reproduction d’une imputation jugée diffamatoire (art. 35 bis de la loi du 29 juillet 1881). Celui qui la reproduit est présumé de mauvaise foi, à charge pour lui de prouver l’inverse.

➡️ Dans d’autres cas, le juge peut se fonder sur une présomption de fait afin de déduire l’élément moral d’une infraction, *c’est-à-dire, l’intention de transgresser la loi pénale (dol général) ou d’atteindre un résultat spécifique (dol spécial). Le juge déduit des faits ou des indices l’élément moral, estimant que l’individu n’aurait pas pu avoir une autre intention que celle qu’on lui attribue (Cass. crim., 22 mai 1989, n° 89-81.397 ; Cass. crim., 2 octobre 2013, n° 12-25.941).

À qui incombe la charge de la preuve en matière civile ?

En principe, en matière civile, comme en droit du travail par exemple, la charge incombe au demandeur. Néanmoins, dans tous domaines civils, la loi a pu poser des présomptions pour renverser la charge de la preuve et les parties peuvent conclure des conventions sur la preuve qui renversent le principe de l’article 1353 du Code civil.

La charge de la preuve incombe au demandeur

Le principe est que la charge de la preuve incombe au demandeur, c’est-à-dire à celui qui invoque l’exécution d’une obligation (art. 1353 al. 1 du Code civil).

➡️ Ainsi, celui qui invoque l’exécution d’un contrat de travail conclu oralement devra rapporter la preuve de son existence.

Néanmoins, il faut nuancer, car celui qui se prétend libéré doit en rapporter la preuve également, donc le défendeur y est tenu à son tour (art. 1353 al. 2 du Code civil).

➡️  Celui qui nie l’existence de vices cachés lors d’une vente devra en démontrer l'absence.

Chaque partie est ainsi tenue d’apporter les preuves qui soutiennent leurs arguments (art. 9 du Code de procédure civile).

Sauf exception posée par une présomption

En cas de présomption, c’est-à-dire, de faits ou actes avancés comme certains (en principe, jusqu’à preuve du contraire*), la charge de la preuve est inversée. Celui au profit duquel elle existe est dispensé d’en rapporter la preuve (art. 1354 al. 2 du Code civil du Code civil).

💡*Il existe des présomptions irréfragables, c’est-à-dire que la preuve contraire ne peut pas être rapportée. Les présomptions simples autorisent de rapporter la preuve contraire. Quant aux présomptions mixtes, la loi limite les moyens par lesquels la preuve contraire peut être apportée (art. 1354 al. 2 du Code civil).

➡️ Par exemple, en matière de filiation, le mari est présumé être le père de l’enfant conçu ou né pendant le mariage, mais il est possible de rapporter la preuve contraire (art. 312 du Code civil). C’est donc une présomption simple. 

Ou aménagement par une convention sur la preuve

Pour les droits dont les parties ont la libre disposition*, ils peuvent conclure une convention sur la preuve afin d’aménager le régime de la preuve (art. 1356 al. 1 du Code civil).

*Les parties n’ont pas la libre disposition en matière d’état des personnes ou de droit de la famille, par exemple (divorce, filiation, etc.).

⚠️ Il n’est pas possible de conclure un contrat sur la preuve pour contredire ou créer des présomptions irréfragables (art. 1356 al. 2 du Code civil).

À qui incombe la charge de la preuve en matière commerciale ?

En matière commerciale, la charge de la preuve incombe au demandeur et au défendeur qui se prétend libéré, comme en matière civile, à défaut de disposition particulière (art. 1353 du Code civil).

⚠️  Néanmoins, certaines dispositions peuvent attribuer la charge de la preuve à raison d’une qualité ou d’une situation, comme pour l’entrepreneur individuel en matière de contestation de mesures d’exécution forcée ou conservatoires à l’égard de son patrimoine (art. L. 526-22 al. 8 du Code civil).


Vos questions | nos réponses

Comment renverser la charge de la preuve ?

Il est notamment possible de renverser la charge de la preuve lorsque la loi pose des présomptions.

Quels sont les 5 modes de preuve ?

Le Code civil pose 5 modes de preuve : la preuve par écrit, le témoignage, la présomption judiciaire, le serment et l’aveu.

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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.