Mesures d’instruction in futurum : Définition et exemples

Mesures d’instruction in futurum :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 17 fois Mise à jour le : 27/04/2025 Publié le : 27/04/2025


Il arrive que la nécessité d’établir ou de conserver des preuves avant tout procès se révèle indispensable pour préserver ses droits. Afin de répondre à ce besoin, le Code de procédure civile prévoit une procédure spécifique : la mesure d’instruction in futurum, régie par l’article 145. Cette procédure permet, sous certaines conditions, d’obtenir l’intervention du juge pour collecter des éléments de preuve en amont d’un litige.

Qu’est-ce qu’une mesure d’instruction in futurum ?

L’article 145 du Code de procédure civile dispose qu’il est possible, avant toute instance au fond, d’établir ou de conserver la preuve de faits dont la solution pourrait dépendre.

La mesure d’instruction in futurum est donc un outil juridique préventif, accessible dès lors qu’un motif légitime est démontré.

Définition de la mesure d’instruction in futurum

La définition précise de la mesure d’instruction in futurum découle directement de l’article 145 CPC :

« S’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, des mesures d’instruction peuvent être ordonnées. »

Autrement dit, il s’agit d’un mécanisme par lequel une partie peut solliciter le concours du juge pour recueillir des preuves, sans attendre l’engagement d’une procédure judiciaire. Cette intervention judiciaire vise ainsi à sécuriser des éléments essentiels à la défense d’éventuelles prétentions futures.

Exemples de mesures d’instruction in futurum

Plusieurs situations illustrent l’usage des mesures d’instruction in futurum. Par exemple :

  • En droit du travail, un employeur peut solliciter une mesure pour prouver des actes de concurrence déloyale ou de débauchage fautif de ses salariés (Cass. civ. 2, 24 mars 2022, n° 20-21.925) ; ou encore en matière de discrimination (Cass. soc., 22 septembre 2021, n° 19-26.144) ;
  • En droit immobilier, un locataire peut demander une mesure afin de démontrer que la surface réelle de son logement est inférieure à celle mentionnée au bail, en vue d’une diminution de loyer  ;
  • En matière automobile ;
  • En droit de la construction, pour expertiser des travaux mal réalisés.

Ces exemples montrent que la mesure d’instruction in futurum est un instrument transversal, utilisé dans de nombreux domaines du droit.

💡En revanche, une demande d’expertise génétique ne peut pas être demandée sur le fondement de cet article 145 du CPC (Cass. civ. 1, 8 juin 2016, n° 15-16.696).

Pourquoi demander une telle mesure d’instruction ?

La mesure d’instruction in futurum poursuit un objectif : préserver ou établir des preuves avant toute action judiciaire.

La Cour de cassation a précisé que ces mesures n’ont pas uniquement vocation à conserver une preuve existante : elles peuvent aussi servir à établir la preuve de faits encore incertains (Cass. civ. 2, 6 novembre 2008, n° 07-17.398).

Référé in futurum et expertise in futurum : quelle différence ?

Les expressions référé in futurum et expertise in futurum sont souvent employées ensemble, mais elles doivent être distinguées :

  • Le référé in futurum désigne la procédure permettant de saisir rapidement un juge pour solliciter une mesure avant procès ;
  • L’expertise in futurum renvoie, quant à elle, à la nature de la mesure ordonnée > il s’agit alors de faire intervenir un expert pour analyser une situation technique précise.


ENVOYER UNE MISE EN CAUSE

Ainsi, le référé est la voie procédurale, tandis que l’expertise est l’acte d’instruction lui-même.

Comment se déroule une mesure d’instruction in futurum ?

La demande de mesure d’instruction in futurum peut être formulée soit (art. 145 du CPC) :

  • Par requête (procédure non contradictoire) ;
  • Soit en référé (procédure contradictoire).

Dans tous les cas, la mesure sollicitée doit être proportionnée à l’objectif poursuivi.

La proportion de la mesure d’instruction in futurum

L’article 145 du CPC permet certes de solliciter une mesure d’instruction, mais cette faculté n’est pas sans limite.

La Cour de cassation exige que la mesure soit encadrée dans sa durée et son objet, afin de garantir sa proportionnalité à l’objectif poursuivi (Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-24.309).

Le juge veille donc à ce que la mesure ne soit ni trop générale ni disproportionnée au regard de la nécessité d'établir ou de conserver des preuves.

La mesure d’instruction in futurum en référé

Lorsque la demande est introduite par voie de référé, il n’est pas nécessaire de démontrer une situation d’urgence (Cass. mixte, 7 mai 1982, n° 79-11.814).

Ce point est essentiel : l’objectif reste l’efficacité de la conservation ou de l’établissement de la preuve, indépendamment de toute urgence particulière.

La mesure d’instruction in futurum sur requête

La procédure sur requête déroge au principe du contradictoire. Le demandeur doit démontrer que la discrétion est indispensable pour garantir l’efficacité de la mesure sollicitée (Cass. civ. 2, 13 mai 1987 ; Cass. civ. 2, 5 mai 2011, n° 10-19.046).

Par exemple, en cas de crainte de destruction ou de dissimulation de preuves par l’adversaire.

Quelles sont les principales mesures d’instruction in futurum prévues par l’article 145 CPC ?

Le juge dispose d’une large latitude pour ordonner toute mesure d’instruction, sous réserve que :

  • La mesure ne soit pas générale (Cass. civ. 2, 31 janvier 2019, n° 17-31.535) ;
  • La mesure soit limitée dans son objet et sa durée ;
  • Un lien suffisant existe entre la mesure sollicitée et le litige anticipé (Cass. civ. 2, 24 septembre 2015, n° 14-19.012) ;

Parmi les principales mesures ordonnées figurent :

  • La désignation d’un expert judiciaire avant une audience ; 
  • Le constat par huissier dans des locaux professionnels ou privés ;
  • L’audition de témoins ou l’obtention de pièces auprès de tiers.

Ces mesures permettent ainsi de sécuriser efficacement la preuve pour le procès à venir.


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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.