Procédure abusive : Définition et sanctions

Procédure abusive :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 1142 fois Mise à jour le : 28/05/2024 Publié le : 28/05/2024


Agir en justice est un droit (art. 30 du Code de procédure civile) ouvert à toute personne qui est sujette à un litige. Néanmoins, le demandeur qui abuse de son droit d’agir en justice peut être sanctionné par une amende civile de 10 000 euros (art. 32-1 du Code de procédure civile) et des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil.

Qu’est-ce qu’une procédure abusive ?

La procédure devient abusive lorsque celui qui introduit la demande abuse de sa liberté d’agir en justice pour régler un litige.

Le principe de la liberté du droit d’agir en justice

Toute personne a le droit d’être entendue sur le fond d’une prétention (art. 30 du CPC). C’est le droit d’agir en justice qui est en principe libre. 

Cela signifie que personne ne peut être forcé à agir ni empêché de le faire et personne ne peut être sanctionné pour l’avoir fait. En revanche, il y a des conditions de recevabilité de l’action en justice (v. art. 31 du CPC) destinées à encadrer les actions afin d’éviter des démarches abusives ou dilatoires qui ne seraient pas légitimes. 

💡Le droit d’agir en justice est une liberté fondamentale fondée sur l’article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (v. en ce sens Cass. com., 21 juin 2023, n° 21-21.875).

La définition d’une procédure abusive

Une procédure abusive fait référence à l’abus du droit d’agir par son titulaire. Il peut s’agir d’un recours abusif ou dilatoire. Il n’y a pas de définition exacte, mais il est acquis qu’elle résulte d’un comportement fautif et d’un manque de diligences de son auteur.

Qu’est-ce qu’un recours abusif ou dilatoire ?

Un recours peut être abusif lorsque l’une des parties est de mauvaise foi et ne cherche qu’à nuire à son adversaire, bien que ces critères ne soient pas à démontrer, un simple comportement fautif suffit. Il est qualifié de dilatoire lorsqu’il a pour seul objectif de faire durer la procédure sans que cela ne soit nécessaire. Autrement dit, il vise à faire retarder l’issue du procès.

Quand est-ce qu’un recours devient abusif ?

Un recours devient abusif lorsqu’il vise à nuire à l’adversaire*. L’abus peut provenir tant du défendeur (celui contre qui a été introduite la demande initiale) que du demandeur (celui qui introduit la demande). L’abus peut également être constitué en appel (voie de recours).

⚠️ *Il n’y a pas de définition ou de critère précis. La jurisprudence évolue, et il semble que la preuve de la mauvaise foi ou de l’intention de nuire ne soit plus exigée (v. Rapport annuel, Cour de cassation, 2006, p. 550)

Mais, il est acquis que les juges doivent caractériser la faute commise dans le droit d’agir (Cass. civ. 2, 19 novembre 1986, n° 85-14.941 ; Cass. soc., 9 juin 2004, n° 02-46.348 ; Cass. civ. 2, 6 mars 2003, n° 01-00.507).

L’abus du recours en demande ou en défense

L’abus du recours peut tant résulter de la demande en justice que des moyens de défense avancés par l’adversaire.

En ce sens, par exemple, une partie qui laisse se dérouler la procédure sans faire connaître sa véritable situation témoigne d’une attitude constitutive d’un abus de droit d’agir en défense (Cass. civ. 2, 16 juin 1993, n° 91-20.203).

⚠️Le seul fait d’être débouté d’une de ses demandes ne constitue pas un abus. 

L’abus des voies de recours

L’abus des voies de recours est sanctionné au même titre que l’abus du droit d’agir : 

En cas d’appel dilatoire ou abusif, l’article 559 du Code de procédure civile prévoit une amende civile allant jusqu’à 10 000 euros.

Pour un pourvoi en cassation, l’article 628 du Code de procédure civile pose la même sanction.

Quelle différence entre recours abusif et résistance abusive ?

La différence entre le le recours abusif et la réticence abusive se situe au niveau est directement rattaché au droit d’agir en justice (v. art. 30 et s. du CPC).

La résistance abusive fait référence au comportement d’un débiteur qui refuse d’exécuter son obligation (v. art. L. 121- 3 du Code des procédures civiles d’exécution et Cass. civ. 2, 28 octobre 1999, n° 97-12.734).

Quelles conséquences en cas de procédure abusive ?

En cas de procédure abusive, et à condition que l’abus dans le recours soit prouvé par celui qui l’invoque ; la conséquence aboutit à ce que son auteur sera condamné à une amende civile pouvant aller jusqu’à 10 000 euros et peut également être astreint à des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (art. 32-1 du CPC).

Quelles sanctions en cas de recours abusif ?

En cas de recours abusif, en première instance*, en cour d’appel ou devant la Cour de cassation, l’auteur s’expose à une double série de sanctions : 

*La première instance fait référence au premier degré de juridiction. En matière civile vous y retrouvez notamment le Tribunal judiciaire.

  • Une amende civile ;
  • Des dommages et intérêts.

⚠️ Il ne faut pas confondre les sanctions en matière de procédure abusive avec la condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, à régler tous les frais non compris dans les dépens. Cette dernière n’est pas une sanction, mais une conséquence de la procédure.

L’amende civile de 10 000 euros

L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose qu’en cas de procédure dilatoire ou abusive, l’auteur s’expose à une amende civile pouvant atteindre 10 000 euros. La sanction est la même en cas d’abus des voies de recours (art. 559 et 628 du CPC).

Les dommages et intérêts

En plus de l’amende civile, l’auteur d’un recours abusif s’expose à une sanction en dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil (art. 32-1 du CPC et v. Cass. civ. 1, 25 février 1986, n° 84-14.208).

Cette sanction suppose de rapporter la preuve d’un fait générateur fautif, d’un dommage subi et d’un lien de causalité entre les deux (v. art. 1240 s. du Code civil).

Comment prouver un appel ou un recours abusif ?

C’est à la partie qui invoque l’abus dans le recours ou l’appel de prouver la faute. S’agissant d’un fait juridique, la preuve peut être rapportée par tous moyens (art. 1358 du Code civil).

Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.