Nullité d'un commandement de quitter les lieux : Quelles sont les règles à respecter pour éviter cette décision ?

Nullité d'un commandement de quitter les lieux :
Thèmes :
expulsion locative, commandement de quitter les lieux
Par Kahina KHADRAOUI Lu 4131 fois Publié le : 29/11/2022 Publié le : 29/11/2022


Face à un locataire qui cumule les impayés de loyers, le propriétaire peut se sentir contraint de mettre fin au contrat de location. Néanmoins, la procédure d’expulsion locative est très encadrée. Après l’obtention d’un jugement d’expulsion et la résiliation du bail locatif, un commandement de quitter les lieux est délivré par voie d’huissier pour notifier cette décision au débiteur. 

Cet acte impose au locataire de libérer les lieux. Il doit répondre à des conditions de fond et ne pas être délivré pendant la trêve hivernale. À défaut, une action en nullité peut être ouverte contre lui, ce qui peut interrompre celle-ci. Voici tout ce qu’il faut savoir pour vous prémunir contre l’annulation d’un commandement de libérer les locaux.


L’ESSENTIEL

➜ Ce que dit la loi : après la décision d’expulsion d’un locataire, le bailleur la fait suivre par la délivrance d’un commandement de quitter les lieux. Cet acte juridique délivré par un huissier permet d’exécuter ce jugement (art. L. 411-1 CPCE).

➜ Délai pour agir : le locataire a 2 mois pour quitter les lieux, et dispose d’un délai de 5 ans pour demander la nullité du commandement de libérer les lieux, s’agissant d’une action personnelle (art. 2224 C. civ.). 

➜ Procédure simplifiée : un huissier de justice partenaire de Litige.fr accompagne pas-à-pas le bailleur dans la mise en œuvre de la procédure d’expulsion locative de la délivrance au débiteur du commandement de payer jusqu'à celui de libération des lieux.
EXPULSER MON LOCATAIRE

CADRE & PRINCIPES

Quelles conditions doit respecter un commandement de quitter les lieux pour être valide ?

Cet acte d'huissier correspond à l’aboutissement d’une procédure d’expulsion. 

Elle peut, par exemple, avoir lieu lorsque le locataire :

  • Ne règle pas ses dettes de loyer ;
  • Ou ne souscrit pas d’assurance habitation (art. 7 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) ;
  • Sous-loue son logement sans autorisation (art. 8 de la loi du 6 juillet 1989) ;
  • Cause des troubles de jouissance (articles 1729 du Code civil et 7 de la loi du 6 juillet 1989) ;
  • Ou abrite un animal classé dangereux alors que le bailleur le lui avait interdit (art. 10 de la loi n° 70-598 du 9 juillet 1970). 


Par cet acte, il s’agit d’avertir le locataire qu’une expulsion va être entreprise. Pour qu’elle soit effective, il faut veiller à délivrer un acte juridique valable.

Les conditions de validité d’un commandement de quitter les lieux

Le Juge a prononcé l’expulsion du locataire et mis fin au contrat de bail en le résiliant. Le propriétaire peut désormais demander à un huissier de délivrer un commandement de quitter les lieux.

Pour être valable, ce document doit contenir 5 mentions, sinon il pourra être annulé (art. R. 411-1 et R. 412-1 CPCE) :

  • L’indication de la décision du Juge prononçant l’expulsion du locataire ;
  • La désignation de la juridiction devant laquelle l’occupant peut demander un délai ou contester l’expulsion ;
  • La date à partir de laquelle le logement doit être libéré ;
  • L’avertissement selon lequel à compter de cette date une expulsion forcée devient possible ; 
  • La reproduction des articles L. 412-1 à L. 412-6 du CPCE ;
  • La possibilité de former une demande de relogement auprès du FSL du département.


En plus des mentions prescrites à peine de nullité, l’acte ne doit pas conduire à l’expulsion de l’occupant pendant la trêve hivernale, sinon il peut être annulé. En effet, aucun locataire ne peut être expulsé entre le 1er novembre et le 31 mars (art. L. 412-6 CPCE).

💡La trêve hivernale a été prolongée en 2020 jusqu’au 10 juillet, et 2021 jusqu’au 31 mai, à cause de la crise de la COVID-19.

Quels sont les effets du commandement de libérer une location ?

La délivrance d’un tel acte à l’occupant va lui imposer de libérer les locaux dans un délai de 2 mois.

Si le locataire ne s’exécute pas l’huissier va pouvoir demander le concours de la force publique pour faire évacuer le logement (art. R. 513-1 CPCE). Une copie de cette notification qui a été délivrée par un commissaire de justice doit être transmise au Préfet par lettre recommandée avec accusé de réception, en plus de la copie du jugement.

💡Il faut obtenir l’accord du Préfet pour que les forces de l’ordre interviennent, en présence de l’huissier, pour aider à l’évacuation du logement.


PROCÉDURE

Comment annuler un commandement de quitter les lieux ?

Cette notification fait suite à une décision de justice mais peut être contesté. 

Pour se prévaloir contre tout motif de contestation il faut s’assurer d’avoir inséré toutes les mentions obligatoires et de ne pas le délivrer pendant la trêve hivernale.

Les conditions de la demande en nullité

Le locataire peut toujours se défendre en demandant la nullité du commandement de quitter les lieux pour des mentions manquantes ou inexactes ou encore parce qu’il conduit à l’expulser pendant la période de trêve hivernale.

L'annulation d’un acte d’huissier relève du régime de la nullité des actes de procédures (art. 649 du Code de procédure civile). Elle ne peut être demandée que in limine litis, c’est-à-dire avant toute défense au fond. Autrement dit, avant d’apporter des arguments pour contester le bien-fondé de l’acte, par exemple.

💡 Ainsi, le bailleur peut contester la demande en nullité si elle n’a pas été réalisée avant toute défense au fond.

Il faut saisir le Juge de l’exécution (JEX) qui a compétence pour apprécier la validité du commandement de quitter les lieux (TGI Riom, 29 avr. 1993, n° 042432).

💡Le destinataire de cet avis de libération d'une habitation peut simplement demander un délai supplémentaire auprès du Juge pour trouver un nouveau logement. Le JEX peut accorder des délais jusqu’à 3 ans au locataire.

ℹ️ Pour obtenir une suspension des mesures visant à l'expulser, le locataire peut par ailleurs solliciter la commission de surendettement (CCAPEX). Si cet organisme rend un avis favorable à son dossier, il pourra saisir le Juge des contentieux de la protection (JCP) en remettant au greffe du Tribunal judiciaire, le formulaire cerfa n°15930*04. Un délai maximum de 2 ans pour s'acquitter de sa dette locative pourra alors lui être accordé par le Juge.

Les effets de la demande en nullité

L’acte sera annulé, c’est comme s’il n’avait jamais existé. Le bailleur doit faire parvenir un nouvel acte au locataire. Par ailleurs, si l’annulation fait suite à l’expulsion, l’occupant pourra demander sa réintégration au logement si elle est justifiée (TGI Angoulême, 4 oct. 1993, n° 1332).

💡La possibilité de demander la nullité de l’acte subsiste même si l’occupant a déjà quitté les lieux (Cass. civ. 2, 13 févr. 2003, n° 01-03.272).

Vos questions | nos réponses

Comment annuler un commandement de quitter les lieux ?

Le locataire qui a reçu un commandement de libération de l'habitation peut saisir le Juge de l’exécution (JEX) si l’acte ne contient pas toutes les mentions obligatoires ou s’il conduit à l’expulsion du locataire pendant la trêve hivernale.

Comment échapper à une procédure d'expulsion ?

Il est possible de s'en exempter en faisant annuler les actes qui sont à l’origine (commandement de payer, commandement de quitter les lieux), à condition qu’ils soient irréguliers. Le locataire peut également faire appel de la décision d’expulsion prononcée par le Juge.

Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.