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Expertise amiable et expertise judiciaire : Quelles différences ?

Expertise amiable et expertise judiciaire :
Par Kahina KHADRAOUI Lu 6 fois Mise à jour le : 14/12/2025 Publié le : 14/12/2025


Lorsqu’un litige porte sur un dommage technique (sinistre assuré, bâtiment, santé, travaux, factures abusives d'un serrurier etc.), l’expertise devient un passage presque obligé. Pourtant, les notions d’expertise amiable, d’expertise judiciaire, d’expert de partie ou d’expert judiciaire sont souvent confondues, alors qu’elles n’ont ni le même cadre juridique ni la même force probante.

Qu’est-ce qu’une expertise en droit français ?

En droit français, l’expertise renvoie à une mesure destinée à établir la réalité d’un fait. C’est une preuve.

Définition générale de l’expertise

En droit français, l’expertise est un mode de preuve technique : un professionnel (l’expert) est chargé d’examiner une situation de fait (origine d’un dommage, coût des réparations, conformité d’un ouvrage, etc.) et de remettre un rapport.

💡Pour les expertises ordonnées par le juge, le Code de procédure civile (CPC) les qualifie de « mesures d’instruction exécutées par un technicien » (article 232 CPC).

Ce rapport n’est jamais une décision de justice : il éclaire le juge, qui reste libre de le suivre ou non.

Quels sont les différents types d’expertise ?

On distingue aujourd’hui, en pratique et en droit :

  • L’expertise judiciaire : ordonnée par un juge sur le fondement des articles 145* et 232, 263 et suivants du CPC, avant ou pendant un procès ;

À l'exception de certaines matières dans lesquelles la loi entend que les experts soient choisis dans une catégorie déterminée d'hommes de l'art, tle juge est libre du choix de l’expert : il peut nommer à ces fonctions toutes personnes qui, par leurs connaissances spéciales, lui paraissent capables de l'éclairer (Cass. civ. 2, 18 sept. 2008, n° 07-17.640).

💡*L’article 145 du Code de procédure civile prévoit la mesure d’instruction in futurum qui est une mesure d’expertise spécifique destinée à conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits.

  • L’expertise amiable (dites aussi « conventionnelle ») : décidée d’un commun accord par les parties ou prévue par un contrat ; elle se déroule hors procès, sous le contrôle des parties et de leurs conseils ;

Qu’est-ce que l’expertise amiable ?

L’expertise amiable est une mesure qui permet, en dehors de tout procès, de faire constater un fait par un tiers expert.

Expertise amiable : définition

L’expertise amiable est une expertise extra-judiciaire, mise en place par l’accord des parties (ou en application d’une clause de leur contrat). 

Elles confient à un technicien (souvent un expert en assurance, en bâtiment, en automobile, etc.) la mission de décrire le dommage, d’en rechercher les causes et d’en évaluer les conséquences, pour tenter un règlement amiable.

Elle est particulièrement fréquente en assurance (multirisque habitation, assurance auto, garanties construction, catastrophes naturelles…).

Expertise amiable contradictoire vs expertise amiable unilatérale

On confond souvent tout sous l’étiquette « expertise amiable ». Il faut pourtant distinguer :

L’expertise amiable contradictoire

  • Toutes les parties sont convoquées à l’expertise amiable et contradictoire (par LRAR, lettre recommandée électronique ou autre moyen laissant une trace) ;

ENVOYER UNE MISE EN CAUSE

  • Chacune peut être assistée (expert d’assuré, avocat), présenter ses observations, produire ses pièces ;
  • Le rapport reflète un minimum de débat contradictoire et a une force probante plus élevée qu’un simple rapport unilatéral, surtout s’il est corroboré par d’autres éléments.

L’expertise amiable unilatérale / non contradictoire

  • L’expert est mandaté par une seule partie (souvent l’assureur) ; 
  • L’adversaire n’a pas été associé à la mission ou n’a pas pu réellement débattre.

La Cour de cassation rappelle régulièrement que, sauf texte spécial, le juge doit examiner une expertise non judiciaire versée aux débats et discutée, mais ne peut pas se fonder uniquement sur une expertise réalisée à la demande d’une partie sauf s’il s’agit d’un fait non discuté par les parties (Cass. civ. 1, 15 oct. 2025, n° 24-15.281).

Peut-on refuser une expertise amiable ?

Sur le plan strictement juridique, il est possible de refuser une expertise amiable : aucun texte général n’oblige une partie à participer à une expertise amiable (sauf clause ou dispositif particulier).

Mais, en pratique, refuser d’emblée une expertise amiable peut se retourner contre la personne :

  • l’assureur ou l’adversaire pourra soutenir que le dialogue contradictoire a été refusé  ;
  • c’est perdre l’occasion de faire consigner des constatations techniques précoces et contradictoires.

💡En pratique, la stratégie la plus protectrice n’est pas de refuser l’expertise amiable, mais de s’y rendre en posant des réserves et, au besoin, en se faisant assister par un expert d’assuré ou un avocat.

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Qu’est-ce qu’une expertise judiciaire ?

L’expertise judiciaire correspond à une mesure d’instruction ordonnée par le juge en cours d’instance afin d’être éclairé sur la réalité d’un fait ; ou avant tout procès, afin de conserver ou d’établir la preuve.

Définition de l'expertise judiciaire

L’expertise judiciaire est une mesure d’instruction ordonnée par un juge :

  • soit avant tout procès (sur le fondement de l’article 145 CPC, lorsqu’il existe un « motif légitime » de conserver ou d’établir la preuve) ;
  • soit en cours de procédure, sur le fondement des articles 232 et 263 et suivants CPC.

L’expert est alors désigné par le juge, en principe parmi les experts inscrits sur une liste de cour d’appel ou de la Cour de cassation, soumis à des règles de déontologie (indépendance, impartialité, compétence).

Quelle est la différence entre une expertise amiable et une expertise judiciaire ?

L’expertise amiable et l’expertise judiciaire sont différentes.

L’expertise amiable est fondée sur un accord des parties ou une clause contractuelle ; elle est encadrée par le droit commun de la preuve et, en partie, par les textes sur l’amiable et la procédure participative. Elle est plus souple, plus rapide, souvent moins coûteuse ; n’interrompt en principe pas la prescription.

L’expertise judiciaire est encadrée par le Code de procédure civile (articles 145, 232, 263 et s.) comme mesure d’instruction. Elle est plus lourde, mais la demande d’expertise judiciaire (par référé notamment) peut interrompre la prescription / la forclusion dans certains contentieux (décennale, v. not. Cass. civ. 3, 18 juin 2003, n° 96-22340).

C’est notamment le juge qui fixe l’étendue de la mission de l’expert (Cass. civ. 1, 26 nov. 1980, n° 79-13.870).

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Quelle est la différence entre un expert et un expert judiciaire ?

L’expert (privé, d’assuré, de partie) est choisi librement par une partie (assureur, assuré, particulier). Il n’a pas de statut légal unique, même s’il doit respecter la déontologie de sa profession. Son rapport est un élément de preuve, dont la valeur dépendra du contradictoire et des autres pièces du dossier. L’expert judiciaire est un technicien inscrit sur une liste d’experts près une cour d’appel ou la Cour de cassation, qui a prêté serment, et intervient dans le cadre d’une mission confiée par un juge. Son rapport est étroitement articulé à la procédure judiciaire et bénéficie d’une autorité probatoire plus importante.

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Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.