Rejet d’une injonction de payer : 6 motifs et 2 recours alternatifs

Rejet d’une injonction de payer :
Thèmes :
recouvrement judiciaire, injonction de payer
Par Kahina KHADRAOUI Lu 3571 fois Publié le : 19/10/2022 Publié le : 19/10/2022


Sommaire

6 motifs de rejet d'une injonction de payer

1 - Une créance sans cause contractuelle ou statutaire

2 - La créance n'est pas certaine, liquide et exigible

3 - Les délais de recours sont expirés

4 - L'absence de recouvrement amiable au préalable

5 - La requête est nulle

6 - L'opposition du débiteur à l'ordonnance

2 recours si l'IP est rejetée par le Juge

1 - L'assignation au fond

2 - Le référé-provision

Injonction de payer en ligne

Le créancier confronté à une facture impayée dispose de plusieurs voies pour parvenir à la recouvrer. Il procédera d’abord à un recouvrement amiable, puis se dirigera vers la voie contentieuse si les relances et la lettre de mise en demeure n’aboutissent pas. Le créancier dispose de plusieurs solutions, dont la requête en injonction de payer (IP). Toutefois, il se peut qu'elle échoue, car les conditions qui permettent d’y recourir ne sont pas remplies, ou parce que le débiteur s’y oppose. En présence d'une ordonnance de rejet, le créancier aura à sa disposition d’autres voies contentieuses pour lui permettre d’être payé.



L’ESSENTIEL

➜ Ce que dit la loi : la procédure d’injonction de payer est entourée de nombreuses conditions qui déterminent son issue. En effet, si le débiteur forme opposition (art. 1422 Code de procédure civile), que les délais pour y recourir sont dépassés, que la requête ne comporte pas toutes les mentions obligatoires (art. 1407 CPC) ou que la créance ne dispose pas des qualités requises (art. 1405 CPC), l’IP sera rejetée. 

➜ Délai pour agir : le titulaire d'une créance a 5 ans pour engager des démarches pour recouvrer celle-ci (art. 2224 C. civ.).

➜ Procédure simplifiée : Litige.fr accompagne les justiciables lorsqu’ils sont confrontés à une facture impayée. Des démarches amiables à celles qui sont contentieuses en matière de recouvrement (IP), le créancier bénéficie d’un suivi simplifié étape par étape.

INJONCTION DE PAYER EN LIGNE

CADRE & PRINCIPES

I - Quels sont les motifs justifiant qu'une injonction de payer soit rejetée ?

C'est une procédure de recouvrement rapide et gratuite (le créancier n’est tenu de régler que des frais de greffe, devant le Tribunal de commerce, qui s’élèvent à 33,47 euros) dont l’issue favorable pour le créancier dépend de conditions de fond et de procédure. En effet, c’est seulement si toutes les conditions sont respectées que l’ordonnance portant injonction de payer pourra produire des effets à condition de revêtir la formule exécutoire.

La requête en injonction de payer n’est possible que dans les cas où la créance est issue de l’une des sources énoncées (art. 1405 CPC). 

De plus, comme pour toute créance à l’égard de laquelle un recouvrement est initié, elle doit remplir des caractéristiques (certaine, liquide et exigible).

Motif 1 - La créance n’a pas de cause contractuelle ou statutaire

Le recouvrement d’une créance peut être demandé sur le fondement d’une IP seulement si la créance a une cause :

  • Contractuelle : elle est issue d’un contrat ; 
  • Statutaire : elle résulte d’obligations établies par la loi ; 
  • Ou résulte d’un instrument de crédit bancaire (billet à ordre, lettre de change).


Ainsi, en dehors de ces situations, il n’est jamais possible d'y recourir pour recouvrer une créance dont la source serait autre que celles énoncées à l’article 1405 du CPC.

Motif 2 - La créance n’est pas certaine, liquide et exigible

Pour demander le recouvrement d’une facture, il est nécessaire que le créancier démontre son caractère certain, liquide et exigible.

  • La créance est certaine lorsqu’elle existe et n’est pas contestable ;
  • La créance est liquide quand il est possible d’en déterminer le montant en argent ;
  • La créance est exigible dès que la date d’échéance survient.


Pour engager une telle démarche, il faut respecter certaines conditions tenant aux délais ou aux actions préalables comme une tentative de résolution amiable. Mais, même en dépit du respect de ces exigences, il se peut que le débiteur forme opposition à l’ordonnance rendue à son égard. 

Motif 3 - L’expiration des délais de recours

La prescription et la forclusion constituent deux limites temporelles au terme desquels il n’est plus possible d’exercer une action en justice. 

3.1 - La créance est prescrite

Les créances sont des actions personnelles qui sont soumises au délai de prescription de 5 ans entre toutes personnes (art. 2224 C. civ.) et entre commerçants (art. L. 110-4 C. com.).

Si après l’échéance de la facture, le créancier n’agit pas et que celle-ci finit par être écoulée, alors la créance est prescrite. Il n’est donc plus possible de saisir un Tribunal pour la recouvrer.


⚠️Il existe des actes interruptifs et suspensifs de prescription. 


Lorsqu’il est interrompu, le délai de prescription reprend à zéro : un nouveau délai de 5 ans court. Tel est le cas lorsqu’une demande en justice est initiée (art. 2241 C. civ.).

En revanche, lorsqu’il est suspendu, le délai reprend là où il s’est arrêté. Tel est, par exemple, le cas lorsque les parties sont empêchées d’agir du fait de la loi, du contrat ou de la force majeure (art. 2234 C. civ.) ; ou encore lorsque les parties décident de recourir à la médiation (art. 2238 C. civ.).

3.2 - La dette est forclose

La forclusion est un délai spécial prévu pour certaines situations :

  • Difficultés des entreprises ou particuliers : le créancier est tenu de déclarer sa créance dans un délai de 2 mois (art. R. 742-11 C. cons. et art. R. 622-24 et L. 622-26 C. com.) ;
  • Crédit à la consommation, le délai est de 2 ans à compter du premier incident de paiement (art. R. 312-35. C. cons.) ; 
  • Droit de la construction, le délai est de 10 ans (art. 1792-4-3 C. civ.).


Si le délai de forclusion n’est pas respecté, le titulaire du droit d’agir en justice perd cette prérogative. Il ne peut plus agir.

S’il y a forclusion, le débiteur pourra l’invoquer pour contester la recevabilité de la demande du créancier (art. 122 et 123 CPC).

Motif 4 - L’absence de tentative préalable de recouvrement amiable

Pour l'introduire, le créancier doit d’abord tenter de se faire payer à l’amiable. À défaut d’accord, il pourra saisir le Tribunal judiciaire ou de commerce.


La tentative de résolution amiable peut résulter :

  • D’une lettre de mise en demeure ;
  • D’une conciliation, médiation ou procédure participative.


Ainsi, si le créancier n’a pas respecté cette exigence préalable de résolution à l’amiable, il n’est pas recevable à requérir une ordonnance portant IP devant le Tribunal compétent. La compétence dépend de la nature de la créance ou de la qualité des parties, il s'agira soit :

  • Du Tribunal judiciaire,
  • Du Tribunal de commerce ;
  • Ou encore du Juge des contentieux et de la protection (JCP) du lieu du domicile du débiteur (art. 1406 CPC).

Motif 5 - La nullité de la requête

La requête d'IP déposée auprès du greffe du Tribunal doit comporter des mentions obligatoires : juridiction saisie, objet de la demande, nom, prénom et siège social du demandeur et du défendeur, justification de la réalisation d’une tentative de résolution amiable, pièces sur lesquelles la demande est fondée, montant de la somme réclamée, fondement de la créance et bordereau indiquant les documents justificatifs (articles 54, 57 et 1407 CPC).

En leur absence elle sera nulle (art. 1407 CPC). Ainsi, celle-ci n’est pas envisageable. Cependant, le créancier ne se heurte pas à une impossibilité totale d’y avoir recours. Il devra simplement introduire une nouvelle requête en veillant à y insérer toutes les mentions obligatoires.

Motif 6 - Le débiteur s’y oppose, dans ce cas le rejet de l'injonction de payer rétablit le débat contradictoire

L'IP est une solution non contradictoire c’est-à-dire que le débiteur n’est pas appelé pour faire valoir ses arguments. Une ordonnance portant IP sera rendue à son encontre sans qu’il puisse se défendre.

Néanmoins, il dispose d’un délai d’1 mois, à compter de la signification de l’ordonnance pour former opposition (art. 1412 et 1416 CPC). 

Dans cette situation, elle ne pourra pas être exécutée, car la contestation est suspensive d’exécution (art. 1422 CPC). 


💡 Le créancier doit faire signifier l’ordonnance dans un délai de 6 mois après la décision du Juge (art. 1411 CPC). Sinon, elle ne pourra plus produire d’effets.


Cette opposition va rétablir le principe du contradictoire. Le créancier sera alors lui-même convoqué pour faire valoir ses arguments face au débiteur. Le jugement rendu remplace l’ordonnance.

💡Le créancier peut demander que l’affaire soit renvoyée devant une juridiction qu’il estime compétente en cas d’opposition de la part du défendeur (art. 1408 CPC).



PROCÉDURE

II - Quels sont les recours si une injonction de payer est rejetée ?

Si l’ordonnance portant IP est finalement rejetée, ce recours prend fin. Le créancier n’a pas de recours sauf ceux du droit commun (art. 1409 CPC). 

Ainsi, il n’est pas démuni puisque d’autres solutions de recouvrement judiciaire ouvertes lui permettent d’obtenir satisfaction.

Recours 1 - L’assignation classique

Le créancier va introduire une demande en matière contentieuse visant à assigner au fond le débiteur en paiement. Elle est plus longue, mais aura une issue plus ferme qu’une IP. 

Le créancier va assigner son débiteur par l’intermédiaire d’un commissaire de justice (huissier de justice) - art. 54 et 56 CPC

Le débiteur sera appelé à comparaître et défendre ses arguments lors d’un débat contradictoire (art. 751 CPC).

💡L’avocat est obligatoire dès lors que le montant du litige excède 10 000 euros sauf devant le JCP (art. 760, 853 et 761 1°, 3° CPC).

Recours 2 - Le référé-provision

Le référé-provision est un recours oral et contradictoire dont l’issue ne sera que provisoire. Il est destiné à consigner une provision au profit du créancier lorsque la créance n’est pas sérieusement contestable (art. 835 CPC).

Le demandeur peut l’introduire par le dépôt d’une requête. La partie débitrice sera convoquée.

Vos questions | nos réponses

Quels sont les recours en cas de rejet d'une injonction de payer ?

2 solutions alternatives : l'assignation classique ou le référé-provision.

Quels sont les motifs de rejet d'une injonction de payer ?

6 motifs : la créance n'a pas de cause contractuelle ou statutaire, elle n'est pas certaine - liquide et exigible, les délais de recours sont expirés, l'absence d'un recouvrement amiable préalable, la nullité de la requête (mentions obligatoires manquantes), l'opposition du débiteur.

Article de Kahina KHADRAOUI
Juriste
Rédactrice de contenus juridiques, diplômée d'un Master 2 universitaire en Droit de l'entreprise.